La Tournette à Annecy avec l’Association Rien K'Elles

Randonnée avec l’Association Rien K'Elles

La Tournette à Annecy

J'ai été contactée par mon ami Mendo pour faire partie d'un collectif de femmes d'origine kurdes.

Au fil des conversations et des réunions, l'objectif de ce collectif s'est rapidement porté sur l’émancipation des femmes kurdes, la sororité, l’entraide et le partage.

Ainsi l'association “Rien K'Elles” a signé officiellement ses statuts le vendredi 27 octobre 2023 à Paris.

L'association a pour vocation d'être un accélérateur de vie pour les femmes qui a pour but de les mettre en lumière ces femmes pleines de convictions. C'est désormais plus de 150 adhérentes qui se soutiennent. L'idée est d'aider les étudiantes à aller beaucoup plus vite dans leur émancipation, d'accélérer l'ascension des femmes actives, mais aussi d'échanger sur la charge mentale qui peut peser parfois quand on mène de front une vie de mère et un travail, un sujet qui serait difficile à aborder en présence des hommes dans l'association. Car la figure masculine est le pilier social dans la communauté kurde.

Je me suis beaucoup tâté avant de faire partie de l'association. Je me demandais ce que ça pouvait m'apporter ? Et quel rôle je pourrais avoir au-delà du prix de mon adhésion ou d’un don ? Finalement j'ai été contactée par Sultane, une sportive parisienne qui m'a convaincu de l'utilité de faire partie de l'association. Et oui le sport est aussi un outil d'émancipation et d'épanouissement pour les femmes.

En tant qu'initiatrice alpinisme je pourrais faire découvrir les activités en montagne à ces femmes qui rêvent de liberté et d'autonomie. Ce sera également l'occasion de les sensibiliser sur le respect de l'environnement. Et pour moi, quelle joie de retourner à mes origines, de me ressourcer et de retrouver ces combattantes de la liberté, qui finalement ont inspiré mon désir au sein du Club Alpin de rendre autonome les femmes. Il y beaucoup à dire sur le sujet mais ce n'est pas le but principal de ce retour d'expérience.

Me voilà en pleine préparation d’un projet de randonnée pour les femmes les plus motivées. La date est fixée au 22 juin 2024. Alors commence une grande part de réflexion. Quelle randonnée ? combien de kilomètres, quel dénivelé ? La logique voudrait que je propose une randonnée facile d’une durée de 4h ou 5h mais ces femmes avec un mental d’acier, avocates, entrepreneuses, politicienne, dignes des combattantes kurdes seraient vite frustrées. Après avoir consulté Zerrin, c’est décidé on va essayer d’aller au sommet de la Tournette. Je me mets à rédiger un document pour leur expliquer mon choix.

Voici un extrait du projet rédigé et envoyer aux femmes :

Randonné proposée : SOMMET DE LA TOURNETTE à 2351m d’altitude.

C’est une randonnée courte en distance mais très raide et technique. Malgré cela je vous propose un véritable challenge car je connais le caractère des femmes kurdes à toujours vouloir se lancer des défis insensés. Plutôt qu’une balade de santé dans la forêt, j’ai opté pour un parcours en haute altitude avec une vue d’exception sur le Lac d’Annecy avec les parapentes qui virevolte au-dessus de vos têtes et les bouquetins qui broutent tranquillement à quelques mètres de vous.

Je suis consciente de la difficulté mais pas de panique ! Je vous propose au moins deux points d’arrêt (à 300m et 900m de dénivelé). C’est un parcours en allez - retour. Il suffira qu’en fonction de votre niveau physique vous décidiez de vous reposer et bronziez tranquillement et en attendant les plus téméraires qui pousserons plus loin et reviendront vous retrouver pour rentrer à la voiture. Nous serons 2 diplômées en alpinisme (FFCAM), Anaïs et moi-même accompagnées de deux amies de Chamonix, Sophie et Sylvie.

Profil de la randonnée

Sommet : La Tournette : 2351 m d’altitude
Massif : Bornes-Aravis (Haute Savoie)

Accès : Direction de village de Montmin et se garer au parking « Les Prés Ronds » à 1225 m d’altitude.

Difficulté : passages avec câbles et échelles sur la fin de la randonnée

Dénivelé : 1150 m
Distance : 12 km aller-retour

Période : juin à novembre

Je termine le document en indiquant qu’éventuellement on pourrait revoir le projet si vraiment elles avaient des hésitations.  Evidemment la liste du matériel obligatoire et conseillé leur a été communiqué.

Je jour J est arrivé, nous nous retrouvons au parking. La plupart des femmes viennent de Paris. Elles ont dormi à l’hôtel à Aix-les-Bains. Soucieuse des impacts environnementales, elles sont arrivées en train et loué un minibus. Elles ont presque plus d’une demi-heure de retard. Ce ne m’étonne pas, c’est culturel et je m’en amuse. Le temps de s’équiper, de quelques rappels de sécurité et d’organisation et c’est partie dans la joie et la bonne humeur.

Petit à petit, des écarts se creuses. Quelques femmes sont devant avec Sylvie. Elles avancent bien. Juste après un gros groupe encadré par Anaïs et moi et pour finir Sophie reste avec Julidé. Je sais que Sophie est une femme pleine de détermination mais aussi très rassurante. Elle sera un excellent serre-file.

La météo n’est pas au beau fixe mais les femmes s’encouragent, se rassure, se prenne par la main. Avec Anaïs de temps en temps nous nous arrêtons pour sécuriser les passages techniques. Nous les conseillons, les aidons… Une grande bienveillance rythme la progression.

La pluie arrive, rendant la progression plus difficile. Certaines femmes luttent avec courage pour ne rien lâcher. Je commence à être inquiète car le rocher devient glissant et je donne l’instruction de s’arrêter au Chalet du Casset à quelques mètres du Refuge de la Tournette. Nous prendrons le repas sous des parapluies et même une couverture de survie transformé en toit. Mais rien n’arrête la bonne humeur. On danse aux sons des chansons kurdes, On chante sous la pluie et on se moque d’être trempé « jusqu’à l’os »

La descente s’effectue au rythme de la musique. Et là je suis subjuguée de voir l’aisance de ces mêmes femmes qui à la montée rassemblaient toute leur énergie pour lutter contre la raideur et technicité des passages. Elles ont compris ! et la descente se fait rapidement.

Mais voilà qu’une dernière difficulté se présente à nous. La fin du chemin en terre s’est transformée en sillon boueux. Plusieurs femmes se retrouvent les fesses dans la boue. Les voilà tartinée de boue, se tordant de rire. D’ailleurs je me retourne sur l’une des participantes, lui demandant si elle pleurait ou si elle riait, tellement les sentiments se mélangeait.

Nous arrivons enfin au Chalet de l’Aulp. Nous sommes très bien accueillit malgré notre état vestimentaire. Nous nous réchauffons autour d’une boisson chaude. Les femmes se ravitaillent en fromages fabriqué sur place avant de partir.

Au final nous avons marché 7,2 km avec 734 m de dénivelé positif. Bravo !

Le soir nous nous retrouvons dans un restaurant près du bord du lac du Bourget. C’est l’Association qui régale (Merci !). La randonnée est le sujet principal de la soirée. Nous nous quittons après une belle photo de groupe dans un cadre beaucoup plus citadin.

Les sourires, les remerciements, reconnaissances qui avaient déjà fusés durant toute la randonnée continuent à accompagner notre séparation.

Le pari d’une aventure folle d’émotion est gagné et déjà les femmes se lancent des défis insensés dans le groupe WhatsApp.

Je remercie chaleureusement l’association Rien K'Elles pour m’avoir fait confiance et au Comité Régionale Grand Est de la FFCAM (Fédération française des Clubs alpins de montagne) d’avoir soutenue ce projet.

A quand les prochains défis ? Zerrin, Leyla, Pelin, Helin, Julidé, Elif, Evine, Seyhan, Rukan, Eylem, Kibar, Esra, Sema, Emma, Gulistan, Tülay, Zelal, je vous attends 😉

Je vous embrasse toutes très forts 😊

Médine KARA