Groupe féminin d'alpinisme de la Région Grand Est
28 Août 2021
ASCENSION DU CERVIN (4478m) : UNE AVENTURE VECUE PAR MEDINE
Du 27 au 28 août 2021
Un weekend de libre et une très grande envie de repartir en Haute montagne. J’ai pensé tout de suite à Christophe. Lors de notre dernière grande voie à l’arête sud Weissentein (Röti), on s’était promis de refaire une sortie.
Christophe me propose de gravir le Cervin. Il avait déjà réservé le refuge et attendait l’occasion d’y aller. Après avoir consulté le topo j’accepte avec joie sans trop savoir à quoi m’attendre. Une course en AD ? c’est dans ma zone de confort.
La météo annonce du beau temps samedi et surtout dimanche, mais le refuge est complet samedi soir. Nous prenons le risque de réserver des places pour vendredi soir.
Nous voilà en route pour Zermatt en Suisse. Ce village n’est pas accessible en voiture. Nous laissons notre véhicule dans l’un des parkings de Täsch. De là nous prenons un train. Après avoir rapidement traversé le village nous empruntons un chemin de randonnée avec tout le long vue sur le Cervin. Cette montagne est magnifique et impressionnante, un pic pyramidal, à la forme reconnaissable entre toutes. Une forme pyramidale reprise par le chocolat Toblerone. Pour le petit clin d’œil, Christophe en a ramené.
Nous arrivons à la cabane du Hörnli situé à 3260 m d’altitude. Après avoir validé notre réservation, et pris possession de notre chambre nous décidons de boire un verre avant le repas. Je suis étonné de voir que tous les guides sont accueillis dans une salle ouverte à part. On leur offre un apéro et surtout je constate que lors du repas ils ne mangent pas dans la même salle que nous avec leurs clients. C’est la première fois que je pratique l’alpinisme en Suisse et j’avoue que je suis un peu déçu de l’ambiance au refuge. La nourriture me fait penser à celle servit dans les cafétérias, rien à voir avec le bon repas montagnard, soupe, tome… Et les guides mangent à part et honnêtement je ne crois pas qu’ils ont la même nourriture que nous.
On nous a imposé un petit déjeuné à 4h du matin. Les guides et leurs clients mangent et partent avant nous. La porte de sortie est bloquée et nous sommes tous entassés devant à attendre que les guides prennent de l’avance sur nous.
Enfin on a le droit de partir. Nous suivons le sentier qui mène au pied du ressaut équipé de cordes fixes. C’est un long moment d’attente et Christophe et moi sommes presque les derniers. Et là commence un chemin en zigzag très mal indiqué. Ce premier tiers de la voie est très pomatoire, les cairns sont rares est les traces partent un peu dans tout les sens. On perdra déjà au moins une heure sur le temps indiqué sur le topo. Le temps est magnifique, le soleil brille.
Nous arrivons juste en dessous de l’abri Solvay situé à 4000 m d’altitude et nous commençons à croiser les guides qui redescendent du sommet. Le rocher est straté à l’horizontale et les prises de mains manque. Et c’est pour cette raison que de nombreuses cordes fixes sont installées. Alors que je suis en tête sans aucun point d’assurage car impossible d’en mettre un à cet endroit, un client se retourne et me bouscule avec son sac à dos. Grosse frayeur et j’ai eu juste le temps de contrôler mon déséquilibre. On n’est pas les bienvenus et on nous le fait bien sentir. Un hélicoptère viendra secourir une cordée épuisée. La monté est longue et enfin on arrive au sommet à 4 478m. Je suis heureuse et pleine de gratitude devant la beauté du paysage qui nous entoure. Je partage ma joie avec mon compagnon de cordée. Le temps de faire quelques photos et on commence à redescendre.
Nous faisons partie des dernières cordées à redescendre et le mauvais temps commence à arriver. D’abord le brouillard, puis le vent et la neige. Nous arrivons à l’abri Solvay et nous sommes 4 cordées. Nous nous demandons si c’est prudent de continuer à descendre. Une cordée de français restera à l’abri. Et nous progressons avec 2 cordées de suisses. La nuit tombe, les traces sont recouvertes par la neige et la désescalade devient difficile.
Nous arrivons à 200 mètres au-dessus du refuge et nous n’arrivons plus à savoir où passer. Un des alpinistes suisses décide d’appeler le refuge pour les prévenir que nous sommes encore bloqués dans la montagne. On nous dit de ne surtout pas bouger de l’endroit, que ça risque d’être dangereux. On nous envoie 3 guides pour nous récupérer. Nous savons que ça risque d’être long. Nous sommes frigorifiés par la tempête.
Les 2 plus jeunes alpinistes ont l’idée de construire un abri à l’aide de cailloux. Nous nous blottissons les uns contre les autres pour nous tenir chaud. Nous partageons nos derniers encas. Les guides sont arrivés et se sont répartis les 3 cordées. C’était incroyable ! J’avais l’impression d’avoir un GPS qui m’indiquait la voie dans le noir : Dans 3 mètres prend à droite, met ton pied sur la prise à gauche, met la main droite sur le rocher et descend ton pied de 10 cm…. En tout cas on a compris qu’on n’aurait jamais réussi à redescendre seules.
Nous avons passés une deuxième nuit au refuge et le lendemain nous constatons que personnes n’est parti. Et c’est bien normal avec la neige qui est tombé la veille. Heureusement que nous sommes partis vendredi vu le changement de météo.
Je raconte ma mésaventure à Ozan en rentant et je vois qu’il n’est absolument pas choqué. Il me répond simplement « pourquoi tu crois que c’est un sommet qui ne m’a jamais attiré ? c’est réputé pour être la voie réservée aux guides » Et il m’indique que si je lisais un peu les forums je m’en rendrais vite compte. Effectivement les internautes accusent même les guides de détruire les cairns pour décourager les alpinistes autonomes.
Malgré que ma première expérience en Suisse m’ait laissé un goût amer car on est loin de la montagne accessible à tous, je reste sur la fierté d’avoir gravi ce beau sommet.
Ecrit par Médine KARA